Morgan Sportès

"Ils ont tué Pierre Overney", par Véronique Blamont de drivit.fr

mardi 6 mai 2008.

Sportès sur la pointe des pieds Écrit par Véronique Blamont le 02-05-2008. Mise à jour le 02-05-2008.

Il y a, encore aujourd’hui, en France, des sujets tabous . La mort de Pierre Overney, en 1972, ouvrier maoïste envoyé en opération commando par des intellectuels pour casser la gueule des gardiens « fascistes » de l’usine Renault dirigée par un patron de gauche, Pierre Dreyfus, en est un. La Gauche prolétarienne est un autre thème inflammable. Le fait que dans les années 70, une tension extrême existait à gauche entre les Maos et la CGT est un dossier encore un peu plus incandescent. Pour oser le raconter, de façon précise et détaillée, dans « Ils ont tué Pierre Overney »* l’écrivain Morgan Sportès se brûle les ailes.

Le tout alors que la presse dégouline d’hommages à mai 68. Il est tout de même distrayant de lire sous la plume de Christophe Barbier dans l’Express : « Ils avaient 20 ans et, si leurs idéologies étaient fausses, leurs idéaux étaient magnifiques ». Peu importe que les post soixante huitards ont renié le dictateur Staline pour embrasser un autre dictateur : Mao ! Et que de mai 68 au 25 février 1972, chaque mois de mai, une foule d’intellectuels en chambre rêvaient de grand soir en n’hésitant pas à manipuler, au passage, des hommes du peuple, issus de milieu archi modeste en les envoyant au combat. Jusqu’au jour ou il y a eu hélas ! mort d’homme. Exit alors des dirigeants révolutionnaires. À commencer par le premier d’entre eux : Pierre Victor, élève à l’Ecole Normale Supérieure qui saborde la GP, retourne à ses chères études et devient juif pratiquant en s’appelant désormais Benny Lévy. On découvre en lisant ce livre que la deuxième base arrière de la Gauche prolétarienne quand elle sera dissoute sera le journal Libération.

Morgan Sportès indique que « les maîtres à penser de la Gauche prolétarienne, Alain Geismar, Serge July, André Glucksmann, Pierre Victor envisagent comme horizon de la révolution l’année 1974 ». Idem pour Jean-Paul Sartre et La cause du peuple. Jusqu’au moment où le sang a coulé. Aujourd’hui qui se souvient du décès Pierre Overney ? La question est posée. Pourtant tout a basculé ce jour-là. On a mesuré qu’au nom de la Révolution, un fils d’ouvriers agricoles, un ancien ouvrier de l’usine Renault Billancourt avait été abattu par un vigile. Et qu’il n’y aurait définitivement plus de grand soir en France.

Et si, aujourd’hui, ce livre dérange tant, c’est parce qu’il énumère une liste impressionnante d’anciens maos qui appartiennent à l’heure actuelle à l’intelligentsia française. Des hommes et des femmes qui occupent, par exemple, des postes clé dans le monde de l’édition et du journalisme,. Alors, on applique à cette enquête implacable- l’équivalent de l’image dans le tapis, de la tache de sang qui remonte ,quoiqu’il advienne, à la surface- la loi du silence. On a tort.

Il est utile de savoir qu’elle fut à un moment donné le rôle des Maos. On trouve dans le livre de Morgan Sportès, une explication avancée par Jean-Paul Sartre dans la préface de l’ouvrage Les Maos en France de Michèle Manceaux : ils « voulurent d’abord ressusciter la violence révolutionnaire par des actions ponctuelles et efficaces... Ils voulaient renverser la bourgeoisie par la force... C’est ce qu’ils m’apprirent, ou plutôt me réapprirent... un révolutionnaire est voué à l’action illégale. »

C’est toujours dangereux de déboulonner les idoles. Et l’on sait bien que dans l’ Hexagone « il vaut mieux avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Raymond Aron ». Voilà le seul tort de Morgan Sportès.

Parce qu’il est interdit d’interdire, j’invite tous ceux que l’Histoire et la Littérature intéressent à se procurer de toute urgence cet opuscule en n’oubliant pas que Morgan Sportès est également un de nos plus flamboyants romanciers depuis des lustres. On lui doit les superbes romans Outremer*, Siam* ou La dérivedes continents*. Et la vraie question qui se pose est sûrement pourquoi n’a-t-il pas encore reçu le Goncourt et pourquoi ne le ferait-on pas siéger à l’ Académie française ? Ça décoifferait enfin un peu. Mais peut être aussi qu’en France on n’aime pas le talent. On le jalouse. Et l’on a tort.

Véronique Blamont

* Grasset

* Le


Forum

  • "Ils ont tué Pierre Overney", par Véronique Blamont de drivit.fr
    4 juin 2008
    Je termine le livre de Morgan Sportes : c’est un livre superbe, on pense à Orwell. Dans un livre oublié de Leo Sauvage Autopsie du Castrisme 1962 l’auteur montrait (déja)) la jobardise de Sartre, Simone de Beauvoir etc..