Morgan Sportès

Ils ont tué Pierre Overney, article de Eric Neuhoff, Figaro Madame du 17/4/2008.

samedi 19 avril 2008.

Ils ont tué Pierre Overney Paru le 17.04.2008, par Éric Neuhoff

Il faut se souvenir. Contrairement à la légende, l’époque n’était pas à la rigolade. Il suffit de lire les citations de Sartre ou de Foucault que Sportès place en tête de ses chapitres. Il y a donc eu au début des années 70 des gens - et non des moindres - pour écrire des choses pareilles. Étonnez-vous, après, qu’un malheureux gauchiste soit tombé sous les balles d’un vigile de chez Renault, le 25 février 1972. Morgan Sportès, qui n’est jamais aussi à l’aise que dans ce genre d’enquête, a interrogé des témoins, fouillé les archives, convoqué le passé. La gauche prolétarienne était en ébullition. On voyait des fascistes partout. Il était de bon ton de ne jurer que par Mao. Avec le recul, on se frotte les yeux.

Sportès restitue la période avec acuité et ricanement. Oui, c’étaient les fils de pauvres que les intellectuels envoyaient au casse-pipe. La manipulation ne constituait pas un vain mot. Manches de pioche et slogans aberrants, voilà à quoi on avait droit. Devant les grilles de l’île Seguin, on distribuait les tracts et les coups. Cela devait mal finir. On voudrait nous persuader que Mai 68 n’avait engendré que des libertaires. Ces pages, qui donnent rétrospectivement froid dans le dos, remettent les pendules à l’heure. La gauche ? Bilan : un mort. Il s’agit du cadavre de toutes les illusions. C’est Sportès qui tient les cordons du poêle


Forum

  • Ils ont tué Pierre Overney, article de Eric Neuhoff, Figaro Madame du 17/4/2008.
    18 juin 2008

    Non, Pierrot Overney n’était pas un "malheureux gauchiste", mais un ouvrier révolté. En le traitant ainsi, vous exprimez vis à vis de lui exactement le même mépris que ces intellectuels qui effectivement manipulaient sa colère.

    J’ai le même âge que celui qu’aurait eu Pierrot, et la même colère qu’il aurait encore aujourd’hui face à une société qui vit sur l’esclavage de peuples entiers et celui, ici même en France, de dizaines de milliers de travailleurs sans-papiers. Mais cette violence-là ne vous émeut pas, apparemment. Celle qui vous hérisse, c’est celle des "gauchistes" de 1972.

    Vous, les donneurs de leçons qui vous érigez en juges méprisants de cette révolte, est-ce que vous bougerez ne serait-ce que l’ongle du petit doigt pour que cela change, ou bien vous contenterez-vous toujours du confort de vos certitudes ?