Morgan Sportès

Scène d’hystérie au soviet suprême de Libération au sujet de "Ils ont tué Pierre Overney",

Partouze à « Libération » François Sergent QUOTIDIEN : mercredi 14 mai 2008

Irritation hier matin de Bayon, déclenchée par les dires de Morgan Sportès en page Portrait (Libération du 13 mai). Notre journaliste Culture emploie toute sa verve et son humour contre « ceux qui ont fait profession de cracher sur 68 ». La critique de la « partouze » par le vieil écrivain revenu du maoïsme et de ses illusions énerve particulièrement Bayon. « Partouze, comme si c’était tout ce que l’on pouvait retenir de 68. C’était une spécialité assez rare. Je ne sais pas si tout le monde peut se vanter d’être allé à des partouzes, pas plus que d’avoir harangué le peuple sur des tréteaux. » « C’est comme s’ils ne voyaient dans la révolte que la dissipation, quiques et touffes à l’air », explique Bayon devant un comité de rédaction un peu surpris par tant de véhémence. Relecture faite, Sportès dit sous la plume du portrait sans complaisance d’Edouard Launet : « Il faut se défoncer, partouzer qu’ils nous disaient. Voilà quelle a été ma révolution culturelle. » Sportès, auteur de Ils ont tué Pierre Overney, mise en coupe réglée de Sartre, Sollers ou July, dit être sorti « psychologiquement déséquilibré » de cette période.

Laurent Joffrin essaie de calmer le jeu, rappelant que Libération, né de 68, n’a pas renié Mai et, au moment du quarantième anniversaire, a reconnu et confirmé sans complexe son héritage. Pas vraiment de quoi calmer Bayon. « Par sénescence ou volontés réactionnaires, ils ont construit un fantasme moral de 68. Quand bien même il y aurait eu cette licence sexuelle, ce n’était pas si mal. »

Luc Le Vaillant, responsable de la page Portrait, et qui ne passe pas pour un père la morale, explique avoir trouvé « intéressant de penser contre soi-même ». « On ne s’interdit rien à Portrait. » La thèse de Sportès est effectivement dans l’air du temps avec ceux qui pensent que tous leurs maux - mais aussi ceux de la France - sont nés lors du joli mois de mai. Le Vaillant railleur : « Alors pourquoi Libé a-t-il soutenu Ségolène Royal qui était la moins "68" des candidats ? »

A Libération même, ceux qui ont fait Mai 68 ont progressivement quitté le journal, mais la filiation reste forte et il faudra plus que les dévoiements de Morgan Sportès ou les imprécations des Guaino et Sarkozy pour nous faire renier notre passé et ses déchirements, qui se réveillent aujourd’hui lors d’un autre mois de mai. Comme une vieille et douce blessure.

http://www.liberation.fr/rebonds/making_of/326138.FR.php