Morgan Sportès

TOUT TOUT DE SUITE par le site CRITIQUES LIBRES

Un roman reportage

C’est un livre qui a le devoir d’être lu. Il est présenté comme un roman, mais j’aurais plutôt tendance à dire que c’est un reportage sur notre société actuelle, notamment sur la vie dans les cités et comment le manque d’argent peut pousser à commettre des actes aux conséquences dramatiques. La montée de l’antisémitisme (si toutefois il a un jour disparu), et le pouvoir des préjugés sont aussi largement abordés. Morgan Sportes aborde avec finesse et sans moralisme pompeux ces thèmes à travers le crime atroce commis par le gang des barbares en 2006. J’ai également beaucoup aimé sa façon de critiquer tout en finesse et subtilité l’amateurisme des criminels, ainsi que l’inefficacité de la police dans cette affaire. Sans oublier la petite pointe d’humour noir jubilatoire décelable dans certains passage. Un dernier mot sur le style d’écriture qui, pour moi, est parfait.

Version imprimable Partager sur Twitter Partager sur Facebook

Les éditions small Tout, tout de suite [Texte imprimé], roman Morgan Sportès de Sportes, Morgan Fayard ISBN : 9782213634340 ; EUR 20,90 ; 2011-08-17 ; 384 p. ; Broché Go Amazon

 » Ajouter une édition Livres liés

Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série Les critiques éclairs (1)

Enregistrez-vous pour publier une critique éclair ! » Tout, tout de suite... pour qui ? 8 etoiles

La vérité, c’est aussi et surtout dans les faits divers que vous la trouverez.

Vous vous demandez dans quel monde vous vivez, dans quel pays, dans quelle ville, dans quel quartier ? Intéressez-vous donc aux faits divers et ne relâchez pas votre attention ! Car tous ces faits divers sont aussi et surtout, des faits emblématiques de notre société qui demeure - quoi qu’on en dise - indomptable malgré tous ses garde-fous.

Miroir déformant ou pas, le fait divers - pour peu qu’un traitement responsable lui soit réservé - viendra nous rappeler des logiques de comportement que l’on croyait révolues, une géographie urbaine ou rurale insoupçonnable, des conditions de vie scandaleuses mais aussi : mille transgressions, mille intolérances, mille traumatismes, mille injustices...

Si la rubrique des faits divers est souvent celle des pauvres, rubrique-tombeau que personne n’ira fleurir, elle est aussi celle des fous.

Et le dernier ouvrage de Sportès « Tout, tout de suite » arrive à point nommé.

Médecin légiste, l’auteur traite d’un fait... fait-divers par excellence... répondant au nom de « Gang des barbares, ou bien encore « Affaire Fofana »... et parfois aussi... « Affaire Halimi » du nom d’une des victimes de ce gang... la dernière.

***

Seuls les auteurs et les artistes savent comme personne faire tinter et résonner la cloche des faits de société ; alarme destinée à nous rappeler au bon souvenir de tout ce dont nous sommes aussi capables... collectivement et individuellement.

Et en ce qui concerne ce fait-divers en particulier, reconnaissons en toute bonne foi que la sortie de l’ouvrage de Sportès nous offre l’opportunité de dénoncer l’action de tous ceux qui, entre 2006 et 2009, ont cherché à instruire, sur le cadavre calciné d’Ilian Halimi, le procès, non pas d’une bande de criminels adolescents ou pré-adultes, mais celui de nos banlieues et d’une religion : l’Islam ; tout en prenant soin d’instrumentaliser un antisémitisme pourtant bien incapable d’expliquer quoi que ce soit de la motivation de ce gang dits « des barbares », pour ne rien dire de tout ce qui, au fil des ans, a bien pu les amener à commettre de tels actes.

A ce sujet, saluons l’ouvrage de Sportès et une autopsie qui remet à l’heure les pendules d’une recherche de compréhension in situ, de la bouche même de l’auteur : « mondialisation, quart-monde et régression religieuse » ; Sportès prenant soin de préciser que les marchés financiers et leurs suppôts ont bien été les premiers à pratiquer un « tout, tout de suite » dévastateur tant sur un plan social que moral, et ce bien avant ce gang dits « des barbares ».

Car enfin... au cours du procès de ce gang, n’a-t-on pas retrouvé tous ceux qui depuis 20 ans, et aujourd’hui encore, cherchent à diviser notre pays ?

Pseudo-intellectuels communautarisés, ligues, associations, conseils, chroniqueurs aux ordres, groupuscules... tous ont tenté de prendre à témoin - d’aucuns parleront de prise d’otage -, la société française dans son ensemble pour mieux stigmatiser, en particulier, des populations en souffrance, et ne jamais questionner des politiques qui plongent des pans entiers des sociétés occidentales dans l’abandon et la déshérence ; populations pour lesquelles le passé est plus un boulet qu’un tremplin, le présent un échec couronné par une absence d’avenir vécue sur le fil du rasoir de l’indifférence et de la haine, l’amour étant hors jeu, et la compassion aussi.

On ne peut rendre que ce qu’on a reçu. Quant à donner ce qu’on n’a pas...

D’autant plus que... la résignation et la patience ont déserté les pauvres, et l’urgence de posséder « tout, tout de suite » a occupé la place comme partout ailleurs mais... à ceci près : chez les indigents criminels et déments, le cutter et la torture ont remplacé la carte de crédit.

***

Cinq ans après les faits, plus de deux ans après le procès, force est de constater que ces stratégies de division-diversion sont toujours à l’oeuvre. Nul doute... la sortie de l’ouvrage de Sportès permettra à nombre de ses acteurs de se faire à nouveau entendre ; d’où l’utilité de continuer, sans relâche, de dénoncer leur action...

Et si le travail d’un auteur tel que Sportès peut nous y aider... so much the better.

Serge ULESKI (Paris, Inscrit le 26 novembre 2007, 42 ans) - 3 octobre 2011