Morgan Sportès

TOUT TOUT DE SUITE par la Figaro, Eric Neuhoff

Le prix Figaro littéraire- Grand Véfour

Mots clés : prix Figaro littéraire-Grand Véfour, Emmanuel Carrère, Morgan Sportès, Delphine De Vigan, Véronique Ovaldé, Olivier Frébourg, Sorj Chalandon

Par Eric Neuhoff Mis à jour le 27/10/2011 à 14:22 | publié le 25/10/2011 à 11:46 Réagir De droite à gauche : Guy Martin, le chef du célèbre restaurant du Palais-Royal, et les neuf critiques littéraires du Prix « Figaro littéraire »-Grand Véfour : Éric Neuhoff, Grégoire Le Ménager, Benjamin Locoge, Jeanne de Ménibus, Emmanuel Hecht, Marc Lambron, Étienne de Montety, Nicolas Ungemuth et Alexandre Fillon. (Sébastien Soriano/Le Figaro)

S’abonner au Figaro.fr Neuf critiques littéraires ont décerné, sans tenir compte des listes officielles, les cinq grands prix d’automne.

Un peu d’histoire. Chaque année, une dizaine de critiques se réunissent au Grand Véfour pour décerner à leur façon - sans tenir compte des listes officielles - les cinq grands prix d’automne.

La chose se passe dans un salon dont les fenêtres donnent sur les jardins du Palais-Royal. Le chef Guy Martin avait soigné le jury. Avant de passer à table, les votants admiraient, un verre de champagne à la main, les murs ornés de dessins originaux de Cocteau. Marc Lambron avait raté le concert de Bob Dylan qui avait eu lieu la veille. Nicolas Ungemuth avait relevé le défi. Comme un grognard de Napoléon, il pourra dire : « J’y étais. » L’exploit n’était pas mince, car Dylan se produisait aux côtés de Mark Knopfler.

D’autres encensaient le spectacle mettant en scène les joutes qui opposaient Bory et Charensol au « Masque et la Plume ». Et qui avait vu le Tintin de Spielberg ? Et que faisait Valérie Gans ? Jeanne de Ménibus serait donc la seule représentante de la gent féminine ?

Il fallut attendre le foie gras au piment d’Espelette pour entamer les débats. À tout seigneur, tout honneur. Les hostilités s’ouvrirent avec le Goncourt. Certains eurent beau chipoter, dire que Limonov (P.O.L) n’était pas un roman, Emmanuel Carrère l’emporta haut la main avec huit voix contre une à Alexis Jenni.

Les résultats du Renaudot, opposant deux récits de faits divers, furent plus serrés : l’affaire Fofana l’emporta par cinq voix à trois sur l’accident de Jayne Mansfield raconté par Simon Libérati. Morgan Sportès et Tout, tout de suite (Fayard) furent couronnés. Mais que pouvait bien faire Valérie Gans ? On laissa un deuxième message sur son portable.

Fruits de la passion Le saumur-champigny déliait les langues. Il fallait ça, car les enjeux du Femina nécessitèrent trois tours. Delphine de Vigan finit par vaincre Véronique Ovaldé cinq voix à quatre. Les convives avaient été émus par Rien ne s’oppose à la nuit (JC ­Lattès). Une mauvaise langue commenta la prestation de l’auteur à l’émission « La Grande Librairie ». Ah, les mœurs littéraires !

Il était temps de déguster le cabillaud rôti sur la peau. Le poisson s’accordait au Médicis, qui fut assez disputé lui aussi. Olivier Frébourg avec son bouleversant Gaston et Gustave (Mercure de France) battit Libérati par six voix contre trois. Les écrivains normands du XIXe (Flaubert est un des héros de Frébourg) semaient les actrices hollywoodiennes et péroxydées. À propos, où était Valérie Gans ? L’inquiétude montait.

Elle n’empêcha pas les participants d’attribuer leur Interallié, qui est dévolu à un journaliste. Score millimétré : cinq voix à Retour à Killybegs (Grasset) de Sorj Chalandon, contre quatre à Sylvain Tesson, qui se consolera sûrement avec une bouteille de vodka, boisson qui coule à flots dans son Dans les forêts de Sibérie. Un mauvais jeu de mots circula entre les assiettes : si le romancier primé avait publié chez Albin Michel, on l’aurait baptisé « Albin Chalandon ».

Quelqu’un regretta l’absence au palmarès du très jeune Marien Defalvard et de son Du temps qu’on existait. La riposte ne tarda pas : « Du Huysmans pour puceaux. » Aïe, ce monde est cruel. Même le dessert, une mangue caramélisée aux fruits de la passion, ne parvint pas à l’adoucir. En plus, les heureux lauréats seront invités à dîner le soir de leur choix par le Véfour. Quels veinards ! Il y a des moments où cela vaut la peine de paraître en septembre. Et toujours pas de nouvelles de Valérie Gans. Le suspense était insoutenable.

P.S. : un texto nous informa le soir en question que la dame était aux États-Unis. Quelle idée