Morgan Sportès

TOUT TOUT DE SUITE dépêche AFP aout 2011

Culture-édition-société,PREV "Tout, tout de suite" : Morgan Sportès dissèque le Gang des barbares (ENTRETIEN) Par Myriam CHAPLAIN-RIOU

PARIS, 18 août 2011 (AFP) - "Tout, tout de suite" (Fayard), un roman-enquête sur l’effrayant crime du Gang des barbares est aussi un pamphlet politique, explique l’écrivain français Morgan Sportès, qui relève "l’actualité brûlante de son livre au vu des émeutes de Londres", dans un entretien à l’AFP. "Cette histoire du rapt et du meurtre d’Ilan Halimi, c’est celle de +L’Appât+ mais en pire !", s’exclame l’écrivain qui signait il y a vingt ans ce roman inspiré de l’itinéraire sanglant d’un trio infernal, adapté au cinéma sous le même titre par Bertrand Tavernier. "Il y aurait aussi un grand film à tirer de ce nouveau roman", assure Morgan Sportès. "C’est un témoignage de l’effroyable vide que la société a laissé se creuser en son sein, du degré d’aliénation de ces jeunes, couplé à leur indigence intellectuelle". Début 2006, le jeune Ilan, de milieu plutôt modeste, supposé riche par ses ravisseurs parce que juif, est enlevé, séquestré, torturé pendant 24 jours et assassiné par une vingtaine de jeunes de banlieue, menée par Youssouf Fofana. Une histoire atroce devenue hautement politique. Le procès principal s’est déroulé d’avril à juillet 2009. "Pendant deux ans, j’ai reconstitué leur crime dément, sans juger, mais en ne pouvant me défaire parfois, en dépit de la monstruosité de leurs actes, d’une certaine ironie face à ces mômes qui n’ont rien dans le crâne", raconte l’auteur, qui a modifié le nom des protagonistes. "Je me suis attaché à restituer les dialogues pathétiques des bourreaux. J’ai interrogé les inspecteurs de la Crim, encore très marqués par l’enquête, la juge d’instruction, lu les scripts de coups de fil entre le père (d’Ilan) entouré de policiers et de psychologues, et les ravisseurs, correspondu avec certains des membres de la bande, me suis imprégné des différents lieux", explique l’écrivain qui se revendique de la "non fiction novel", école américaine alliant construction dramaturgique et faits réels.

"Obsession morbide"

"Truman Capote, auteur du remarquable +De sang froid+ est mon maître en la matière", dit-il. "Leurs lettres révélaient une absence totale d’orthographe mais aussi de grammaire, gage d’une logique de la pensée", remarque Morgan Sportès qui n’a pas, en revanche, parlé avec la famille de la victime. "La mère d’Ilan a écrit son propre livre et elle a assez souffert. Et mon roman était axé sur l’aliénation des ravisseurs", souligne-t-il. "Mon avocate a parlé pendant quatre heures avec Fofana. Il tenait des propos incohérents. Il s’enfonce dans la nuit carcérale, sans remords. Pour les autres, plus jeunes, il y a peut-être possibilité de rachat. L’un des garçons de +L’Appât+ sorti de prison, par exemple, travaille, s’est marié". "Dans cette histoire, on est dans la France de la mondialisation. Fils d’immigrés pour beaucoup, les kidnappeurs sont Français, sortent de l’école française. Ils ne sont pas étrangers à notre société, comme le laisserait penser le terme +Gang des barbares+ forgé par les médias. En revanche, oui, ils sont cruels, surtout Fofana". "Ces gosses n’ont aucune empathie. Ils sont tous soudés par l’obsession morbide du +tout, tout de suite+", souligne l’auteur sexagénaire. "Tout, tout de suite", c’est aussi "ce qui motive les spéculateurs financiers et les jeunes émeutiers anglais. Au vu de cela, mon livre est d’une brûlante et terrifiante actualité...", note Morgan Sportès. La bande de Fofana est "aussi un exemple du phénomène de quart-mondialisation de notre société", déplore l’auteur, qui va maintenant se plonger dans un sujet historique. "Je pars bientôt au Japon, confie-t-il, pour préparer un livre sur la liquidation du christianisme au XVIIe siècle