Morgan Sportès

ILS ONT TUE PIERRE OVERNEY par le site SARDANAPALE

Les sacrifiés du maoïsme

Morgan Sportès vient de consacrer un livre, Ils ont tué Pierre Overney, à ce phénomène exotique.

L’auteur y écrit, à juste titre :

“On a du mal aujourd’hui... à imaginer l’énormité du crétinisme maoïste qui sévissait à l’époque en France, dans les médias, la littérature, l’art, les sciences sociales, le cinéma.”

Je résume donc pour les moins de 30 ans.

Au milieu des années 60, certains éléments de l’élite estudiantine parisienne entreprennent de faire en France la Révolution culturelle qu’ils admirent tant en Chine.

Dénonçant pêle-mêle la bourgeoisie, l’université, et le PC “révisionnistes”, ils prônent (surtout pour les autres) l’abandon des études pour aller porter l’étincelle insurrectionnelle dans les usines.

Leur mouvement, la Gauche prolétarienne, dissout par Marcellin en 1970, entre dans la clandestinité pour provoquer le grand soir en sous-main.

On sait que certains anciens de la GP - Benny Lévy, Robert Linhart, Serge July, Olivier Rolin, André Glucksmann, Jean-Claude Milner, etc. - ont su surmonter par la suite leur horreur de l’intelligentsia pour y réussir de belles carrières (à l’instar de ces philosophes dont Proust disait que moins ils croyaient au monde extérieur, plus il s’efforçaient de s’y faire une place.)

Ce qu’on sait moins, c’est ce qu’il est advenu de la piétaille maoïste envoyée au front de la lutte prolétarienne.

C’est précisément sous cet angle, du point de vue des pauvres poires qui furent sacrifiées, que Sportès aborde le sujet.

Au centre de son livre est Pierre Overney, un jeune ouvrier tué par un vigile de Renault lors d’une action de la GP en 1972.

Tout au long de la décennie, il fut traité en martyr de la révolution avortée : son portrait était de toutes les manifs, et ornait les murs de toutes les facs.

Or ce que montre Sportès, c’est qu’Overney ne fut pas la victime du capital et ses séides, mais celle des apprentis gardes rouges qui l’avaient propulsé à la tête d’un commando pour en découdre avec les gardiens de l’usine de Billancourt.

Et pour comble de cynisme, ces idéologues qui l’ont envoyé au casse-pipe on pleinement exploité sa mort.

Comme le dit Sportès :

“Ce sont des jeux politiques ou on utilise des imbéciles utiles... Et on a fait parler le cadavre de ce malheureux Overney.

D’ailleurs les amis les plus proches de ce malheureux Overney étaient fous furieux contre les gens de la GP, parce qu’ils voulaient utiliser à des fins politiques le cadavre d’Orverney.”

Ces paroles sont extraites d’une passionnante interview postée sur Dailymotion, et que je recommande chaudement.

L’auteur affirme en outre que contrairement à ce qu’on lit partout, la GP ne s’est pas autodissoute en 1974 dans un sursaut de lucidité, et par crainte de basculer dans la violence.

Non, les maos français sont rentrés dans le rang tout simplement parce que les flics ont bien fait leur boulot.

La GP était à ce point infiltrée que le choix pour les leaders était clair : la normalisation ou la taule.

Autrement dit, certains de nos intellectuels les plus talentueux doivent en partie leur réussite à la police de Pompidou et de Giscard.

Oh, je ne conteste pas leur talent.

J’aime beaucoup André Glucksman ; Marin Karmitz est un bon producteur dont j’approuve les idées sur les intermittents du spectacle.

Mais il est bon de temps en temps d’évoquer aussi les petits, les oubliés du maoïsme, ceux qui y ont laissé leur carrière, voire plus, faute d’avoir su abandonner la lutte à temps